Jean Claude Anaf et l'automobile
« Entre 72 et 78 % du prix Argus »
Michel Delambre, vous êtes responsable des réalisations de voitures et matériels pour le compte du Crédit Universel, quel est l'impact de la crise sur ce marché ?
Cela fait très longtemps qu’on procède aux réalisations de biens aux enchères publiques. Nous avons figuré parmi les premiers à organiser des ventes groupées de véhicules. Sur Lyon, j'ai commencé il y a seize ans avec Anaf. Nous avons un nombre limité de biens à vendre et ce n 'est pas notre vocation de vendre aux enchères.
On réalise seulement des biens donnes en garantie. Ce n'est que l’incidence d'un crédit. Les conditions économiques actuelles entrainent une vigilance accrue au niveau des attributions de crédits et il y a un rapport direct et qui reste sensiblement égal entre le nombre de biens financés et le nombre de biens vendus.
Quel est l'intérêt pour vous de vendre aux enchères ?
Les résultats sont confirmés et incontestables car il y a eu vente publique. C'est aussi un mode de vente rapide pour un bien qui se déprécie rapidement. Enfin, /e calendrier est précis et régulier pour la clientèle.
Les commissaires-priseurs disent que les établissements financiers leur "mettent la pression", épluchant et comparant minutieusement les résultats selon les études, c'est vrai ?
Nous sommes extrêmement vigilants quant aux résultats dans l ’intérêt même de nos clients défaillants. Plus on récupère de l'argent, moins ils en ont à payer. On suit les résultats, on établit des statistiques adéquates et on fait des comparaisons avec d’autres régions.
On demande au commissaire-priseur d’être efficace, de faire de la publicité et de répondre aux attentes de la clientèle. Il est vrai qu’on préfère que celui-ci soit un particulier car c’est le consommateur final, c’est à dire celui qui est prêt à faire un effort financier pour un achat qui lui est personnel.
Les voitures sont vendues à quel pourcentage de l'argus, et c'est un chiffre qui a baissé ou augmenté ces dernières années ?
Sur Lyon, les résultats en 93 varient entre 72 et 78 % du prix argus. D'une année sur l’autre, il n'y a pas d'évolution majeure. Avec la crise, on constate un transfert du marché du véhicule neuf sur le véhicule d'occasion aux enchères.
Voitures aux enchères : l'accélération des ventes avec Jean-Claude Anaf
15 000 véhicules en 92, plus de 20 000 en 93, les ventes aux enchères automobiles prennent de la vitesse. Au volant, trois études lyonnaises
Perché sur un tabouret au milieu de la foule qui s'agglutine, Me Loïk Conan, un micro accroché à sa veste, annonce : "une Peugeot 405 GL 92. Elle cote 53 000 francs. On commence à 30 000.31 000 ? Adjugée. "
Le marteau a disparu. Equipé d'une liste et d’un stylo, le commissaire-priseur frappe sur son bras. Suivante. Dans le hangar, il déplace de quelques mètres son tabouret. Sous l'éclairage blafard des néons, le public (masculin uniquement) se presse autour des voitures. "Une 605 diesel. Elle cote 72 000 francs. On commence à 50 000". Brouhaha et sifflements. Une proposition fuse : "30 000 francs". Me Conan s'entête, l'offre grimpe jusqu'à 56 000 francs. "Vous voyez, les siffleurs, que j'avais raison" conclut-il avec satisfaction.
L’atmosphère est détendue et conviviale. Les « Argus » dépassent des poches. Chacun y va de son commentaire. Certains attendent leur tour en sirotant un café. Dehors, il y a même un marchand de merguez.
LADA EN PANNE
Ne vous fiez pas aux apparences, on ne fait pas toujours de si bonnes affaires lors des ventes de voitures aux enchères. "Les grosses cylindrées partent pas cher jusqu'à moins 40 % de l’argus » remarque Jean-Claude Anaf. "C'est dans le haut de gamme qu'on fait les super affaires. Du coté des acheteurs, il y a un blocage psychologique à partir de 9 CV, à cause du coi: ce la vignette, la consommation l 'entretien" renchérit Loïk Conan.
En panne, les voitures de l'Est comme les Lada et 'tous les véhicules exotiques" comme les qualifie Jean-Marc Brémens. En revanche la petite voiture diesel est plébiscitée. Quelques modèles arrivent même à dépasser la frontière de l'Argus. "Comme les Twingo, les 205 diesel… si elles ne sont pas trop kilométrées et quand on est dans les petits prix" souligne Loïk Conan qui précise quand même qu’aujourd’hui, « les acheteurs ne s’emballent plus et qu’ils ont bien l’argus en tête ».
UN GATEAU POUR TROIS
Qui sont ces acheteurs ? « 50% sont des professionnels, 20% des « exportateurs » et 30% de vrais particuliers » détaille Loïk Conan tandis que son confrère des Brotteaux assure négocier avec 80% de particuliers.
Des voitures aux enchères ? La pratique n’est pas nouvelle. Loïk Conan a adjugé son premier véhicule, une R17 jaune, il y a 23 ans et Jean-Claude Anaf, un petit camion, il y a seize ans. Mais depuis, le phénomène a pris de l’ampleur. Aujourd’hui, trois études se partagent le marché : Conan et Auclair (plus de 10 000 voitures vendues en 1993. 3 000 en 1992). Chaussin Brémens et Guillaumot (4 500 en 1993, 3 000 en 1992) et Anaf (3 300 en 1993, 4 000 en 1992).
Ces véhicules proviennent de réalisations de gages et de leasing et de liquidations judiciaires. "Dans le premier cas, elles ont été achetées à crédit par quelqu'un qui ne peut plus payer. L'établissement financier fait saisir le véhicule par un huissier et une fois la procédure effectuée, il est vendu aux enchères pour le compte du débiteur.
Dans le cas du leasing, le véritable propriétaire est l'établissement financier, on vend donc pour son compte. Enfin, dans le cas de la liquidation, on vend pour le compte du mandataire judiciaire" précise Jean- Claude Anaf. A cela, il faut ajouter, pour les deux autres études, les ventes volontaires ouvertes à tous les « apporteurs » comme les sociétés de location ou garagistes.
PAS D'ÉTATS D'AME
Passer de la commode Louis Philippe à la 605 diesel ne donne pas d'états d’âme aux commissaires-priseurs. "Il est important de diversifier ses activités" estime Loïk Conan chez qui les véhicules représentent au moins 65 % du chiffre d'affaires, avant de reconnaitre que "c'est un secteur porteur appelé à se développer".
"C’est un marché qui une fois mis en place fait tourner une étude, lui assure un certain afflux de marchandise et lui donne la structure financière pour aborder des choses plus difficiles (NDLR dans le domaine artistique) " complète Jean-Marc Brémens.
Au-delà, même si le marché devait se tasser (davantage de prudence de la part des établissements financiers dans leurs prêts, baisse de la production industrielle...), les officiers ministériels qui procèdent aux ventes volontaires ne perdent pas de vue les modèles anglo-saxons dans lesquels les transactions concernant les voitures d'occasion se font très souvent sous un marteau d’ivoire.
Des conseils pour acheter
Conseil unanime de la part des commissaires-priseurs : ne jamais acheter la première fois mais plutôt assister à plusieurs ventes pour voir comment ça se passe. Ensuite, venir aux expositions et examiner soigneusement le véhicule convoité. On peut faire tourner le moteur et même venir avec son garagiste. En principe, ta carte grise est affichée sur le parebrise ainsi que le contrôle technique qui est effectué même pour les véhicules âgés de moins de cinq ans. Lors de la vente, il vous en coûtera le prix de l’adjudication plus les frais (10,674 %), un total que vous devrez régler comptant.
Attention, une fois l’adjudication prononcée, vous ne pourrez plus changer d’avis. Enfin, votre achat est sans garantie, les trois commissaires-priseurs interrogés déclarent ne jamais avoir eu de problèmes après-vente même s’ils admettent qu’il y a toujours une petite part de risque.
Sachez que toutes ces ventes sont annoncées tous les lundis en page 2 du « Progrès » ainsi que sur minitel code 3617 VAE et 3615 code ANAFJC.
Trois déménagements en 94
Elles sont trois études sur Lyon à
disperser des milliers de voitures chaque année et elles ont au moins un point
commun, leurs locaux sont devenus trop exigus. Conséquence, toutes trois vont
déménager en 94.
Jean-Claude Ànaf a le projet le plus avancé. II quittera
Mions pour Saint-Priest en avril. La Lyonnaise de Ventes Publiques s’installera
sur une surface de 30 000 du m2 dont 2500 couverts. «
Aujourd'hui un
matériel industriel ou un véhicule ne peut pas se vendre n’importe comment. Il
faut médiatiser la vente, préparer la voiture et apporter toutes les
prestations. Faire en sorte que le client n’est pas l’impression de descendre
dans une zone, « dit-il.
Ainsi, Le nouveau centre sera surveillé 24 heures sur 24,
les voitures seront lavées et les commissionnaires porteront un uniforme. En
vente, les autos circuleront autour du commissaire-priseur mais un système d’aspiration
des gaz d'échappement évitera au public d'être incommodé.
Loïc Conan, aussi très à l'étroit, rue Cronstadt, devrait
trancher très prochainement entre deux sites situés dans la deuxième couronne
de l'Est Lyonnais
« Ici on étouffe, s'exclame-t-il, il est indispensable d’offrir aux acheteurs des meilleures conditions d’accueil et de visite tout en conservant le côté convivial de ces ventes ».
Enfin l’étude Chaussin, Brémens et Guillaumot envisage elle aussi de déménager dans l’année. « Pas loin de notre bureau de Villefranche, dans un lieu facile d’accès » confie Jean-Marc Brémens qui insiste lui aussi sur la nécessité de préparation et présentation des véhicules.
Le souci d’attirer la clientèle de
particuliers est présent dans tous les esprits. Ces derniers achètent, certes,
en moins grosse quantité que les professionnels mais ils sont bien
plus nombreux… et ils paient mieux !